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L'entreprise vivante par Jacques Salomé

Des communications vivantes pour une entreprise vivante.

J.SalomeIl me paraît essentiel de rappeler :

- que travailler huit heures par jour, c’est vendre chaque jour ouvrable, huit heures de sa vie !

- que la question centrale la plus actuelle, malgré l’angoisse et les pressions liées à la crise économique, malgré les inquiétudes au quotidien de beaucoup pour boucler un budget familial ou personnel, n’est pas tant de savoir combien je vends ma vie, mais de s’interroger sur comment je la vends … Et aujourd’hui sur le plan de comment… nous le vendons toujours mal !

Avec des conséquences directes ou indirectes le plus souvent déstabilisantes, violentes et perverses pour notre vie intime. Avec l’inscription de somatisations, d’accidents, de passages à l’acte somatique ou d’agressions plus latentes, plus diluées, plus diffuses tels des mal être, des états dépressifs, une inappétence de vie, une dévitalisation endémique….

Avec le plus souvent des retombées difficiles à gérer dans notre vie en couple ou familiale…

La dimension du changement qu’il me semble la plus urgente de prendre en charge dans les organisations et les entreprises, c’est la recherche d’une harmonie, d’un respect, d’une convivialité plus grande dans les relations avec ses collègues (niveau interpersonnel) , et par la même occasion, de favoriser des réconciliations et des positionnements plus clairs dans les relations avec soi même (niveau intrapersonnel)

Ce qui est privilégié, valorisé et mis en avant aujourd’hui dans le monde du travail, ce sont les relations fonctionnelles ( production, efficience et recherche de résultats) avec leurs spécificités et des spécialisations très poussées selon la fonction, le poste qu’on occupe ou le rôle qui est attribué dans un organigramme. La plupart des formations et des perfectionnements proposés portent d’ailleurs sur l’amélioration de ces points.

Rappelons simplement que les relations fonctionnelles sont construites essentiellement autour du savoir ( connaissances techniques et théoriques, possession et maîtrise de l’information ), et autour du savoir-faire ( apprentissage, habileté, expériences et compétences techniques ).

Ce qui me paraît essentiel et urgent aujourd’hui c’est la prise en compte d’une amélioration des relations interpersonnelles (mieux être avec autrui) et intrapersonnelle (mieux être avec soi même) qui pourrait s’appuyer sur l’intégration d’un meilleur savoir être plus créatif, d’un savoir créer plus dynamique et d’un savoir devenir plus souple.

Ces trois derniers aspects ne peuvent se développer et se vivre que si nous acceptons que l’entreprise, qui est considérée avant tout comme un lieu de production, d’efficience et de rentabilité, puisse devenir aussi un lieu de transformation et de changement, voire de développement personnel pour tous les individus qui la composent.

Sinon devant la faillite de notre société de consommation nous risquons d’entretenir une société de consolation.

La mutation à faire, pourrait s’appuyer sur un principe écologique bien connu autour d’une relation gagnant/gagnant, à base d’échanges, de stimulations et d’enrichissements mutuels. Et pour cela il conviendrait de créer, à l’intérieur même de l’entreprise des lieux et des temps pour des échanges et des partages où un maximum de réciprocité pourrait se vivre.

Actuellement, l’entité entreprise, a l’impression qu’elle remplit sa mission sur la base d’un échange monétaire que je simplifie et schématise ainsi :

« J’achète votre force de production qui me permet de rester vivante et performante en échange d’un prix qui vous permet de survivre aujourd’hui sans garantie aucune pour votre avenir si les conditions économiques extérieures ( mondialisation ) changent. »

Ce qui a effectivement et fondamentalement changé ces dernières années, c’est que l’entreprise ne propose plus un lieu de référence et un cadre de travail stable. Le besoin d’appartenance qui est un besoin fort chez les travailleurs, qui leur permet de s’identifier à l’entreprise est aujourd’hui maltraité ou nié. L’entreprise ne donne plus en prime une sécurité, une espérance de croissance personnelle ou de réussite professionnelle à l’intérieur de sa propre structure. Elle accepte elle-même, implicitement, d’être transitoire, temporaire et reconvertible…… ailleurs, sous des cieux plus clément au marché du travail.

Si nous considérons l’entreprise comme un organisme vivant, la sève nourricière de cet organisme ne peut être réduite comme on le croit souvent, à la tâche produite ou aux résultats obtenus, mais à la qualité et à la vivance des communications inter et intra personnelles qui circulent au quotidien dans le temps de travail.

Si communiquer veut dire mettre en commun, c’est sur la nature de cette « mise en commun » qu’il faut s’interroger.

Nous savons qu’il y a une interdépendance importante entre la qualité des relations fonctionnelles (mieux produire ensemble) et la qualité des relations interpersonnelles ( être bien avec autrui) la qualité des relations intrapersonnelles. ( être bien avec moi même.) et la qualité des relations hiérarchiques (être bien face à un supérieur, avoir le sentiment qu’il peut être sensible à notre influence…)

  • Ce qui est le plus fréquemment nié, maltraité et blessé dans le monde du travail c’est la qualité de la relation à soi-même. C’est souvent, pour de plus en plus de travailleurs ouvriers, employés ou cadres, l’image de soi (ce que l’on est devenu) qu’on ne supporte plus, les déceptions et les frustrations liées à une non reconnaissance des attentes, des compétences ou des limites de chacun.
  • Il y aussi une méconnaissance assez grave des besoins relationnels fondamentaux de tout individu, à savoir : besoin de se dire, d’être entendu, d’être reconnu, d’être valorisé, d’avoir une intimité, une appartenance et une influence sur son environnement immédiat.
  • Des frustrations de plus en plus fortes se développent, de ne pouvoir se dire et d’être entendu, par ceux là-mêmes avec qui nous travaillons et qui sont le plus proches de nous.
  • Les compromis acceptés, (ou imposés) qui sont vécus comme des compromissions subies.
  • L’humiliation de ne pas être reconnu tel qu’on est, d’avoir une étiquette , d’être catalogué, évalué, jugé à partir de critères qui se veulent fonctionnels par rapport à une échelle de valeurs dont les critères échappent à l’intéressé et qui se révèlent inadaptés dans la conscience du plus grand nombre.
  • La non-confiance, le doute sur sa propre valeur ou sur son utilité vont créer et augmenter la non-valorisation de soi.

Il y a actuellement dans beaucoup d’entreprises, une mauvaise gestion et utilisation souvent incohérente des ressources humaines réelles et des compétences profondes de chacun. D’où d’ailleurs la tendance de plus en plus marquée de jeunes cadres et de jeunes tout court, à créer des mini-entreprises qui au-delà des risques et de l’insécurité, valorisent l’autonomie, la créativité, l’indépendance et par là même une certaine liberté.

Ce sont des critères prioritaires recherchés par de plus en plus de travailleurs.

A l’écoute de tous ces manques, de ces insuffisances nous pouvons donc constater qu’en termes relationnels, le monde de l’entreprise devient (parfois ou souvent) un milieu de vie souvent pathogène.

Nous savons par exemple qu’une relation vivante suppose une alternance de positions d’influences. C’est l’acceptation de cette alternance qui crée de la réciprocité, un plus dans la richesse des partages et des dialogues, une dynamisation des échanges avec une mutualité créative possible.

Or nous constatons que la plupart des relations dans l’entreprise ne s’inscrivent pas dans des relations de réciprocité. L’alternance des positions d’alternance y est très faible, quasi inexistante dans la plupart des structures professionnelles. La plupart des travailleurs ont l’impression que leurs idées ne sont pas prises en compte, que leur parole n’arrive pas à l’oreille des personnages décisionnels, que leurs propositions restent lettres mortes.

De plus, les structures de communication en place, entretiennent le plus souvent des dynamiques infantilisantes, en particulier par une mauvaise gestion du demander, du donner, du recevoir et du refuser.

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Je crois pour ma part, qu’une relation créative qui vise à une autonomie maximale de chacun des protagonistes, repose sur les choix relationnels suivants :

  • Au niveau du demander : développer plutôt des invitations, des suggestions plutôt que des exigences ou des contraintes.
  • Au niveau du donner : favoriser plutôt l’offrir que l’imposé, stimuler plutôt que forcer ou
  • obliger.
  • Au niveau du recevoir : apprendre à accueillir, à amplifier plutôt que de prendre, de
  • s’approprier ou de manipuler.
  • Au niveau du refuser : développer l’affirmation. Permettre le refus ou l’acceptation différée… pour éviter d’entretenir les rejets ou les blocages.

Nous savons clairement aujourd’hui, que des phénomènes tels que la prédominance de la communication indirecte au détriment de la communication directe (s’adresser directement à la personne concernée), l’infantilisation, (pratique du paternalisme, de la rétention des informations), suscitent des rivalités, entretiennent la dépendance et ouvrent la porte à des sabotages conscients ou inconscients. Que la pratique abusive directe ou indirecte, implicite ou explicite, d’injonctions, de menaces, de chantage, de dévalorisations, de culpabilisations et du maintien des relations dominants/dominés à l’intérieur d’un ensemble donné, devient coûteux pour l’ensemble de la structure en transformant un collaborateur (doué d’initiative) en exécutant (qui se contente d’ appliquer des consignes).

Si nous acceptons d’introduire une re programmation de ces conduites par l’introduction de quelques règles minimales d’hygiène relationnelle, nous favorisons le développement d’une qualité de vie dont va bénéficier le corps entier d’une entreprise, qui devient ainsi plus vivant, plus dynamique et donc aussi plus performant.

Une entreprise vivante sera celle qui proposera des relations interpersonnelles plus respectueuses, plus centrées, et plus énergétigènes vers chacune des personnes qui y vivent.

Une entreprise vivante sera celle qui rend possible la circulation de cette vivance entre tous les protagonistes qui non seulement y travaillent mais qui y vivent une part importante, sinon essentielle de leur existence. Une entreprise vivante sera celle qui acceptera de donner une valeur concrète à la mise en pratique d’une communication dynamisante fondée:

  • sur un bon équilibre entre demander et donner, entre recevoir et refuser,
  • sur l’alternance des positions d’influence (quand c’est toujours le même qui veut avoir raison ou qui veut faire passer son point de vue…c’est insupportable)
  • sur le respect des ressentis et des vécus personnels (et donc différents) de tous les protagonistes ayant un contact direct.
  • sur l’utilisation d’outil tel l’écharpe relationnelle ( qui permet de visualiser que nous sommes toujours trois dans un échange : l’autre, moi et la relation qu’il y a entre nous, que nous avons à veiller à rester responsable de notre bout !).
  • sur la possibilité de visualiser, ( à l’aide d’un objet symbolique) pour ne pas confondre la personne et sa production, la personne et son comportement, la personne et ses défaillances…
  • sur la capacité à accepter (et à recevoir) la diffusion d’informations pour tout ce qui touche à la tâche ou à la production
  • sur la possibilité de mieux distinguer les trois grands niveaux présents dans tout échange : celui des faits (que s’est-il passé ?) celui du ressenti ( comment j’ai vécu ce fait) celui du retentissement (ce que cela touche en moi de mon passé, de mon histoire…)
  • sur la confiance bâtie autour de quelques repères simples tels : j’attends de mes collègues et supérieurs qu’ils puissent mettre leur compétence au service des obstacles que je rencontre dans la réalisation de mon travail, qu’ils puissent dédramatiser autour des difficultés rencontrées, qu’ils m’informent, et n’hésitent pas à me valoriser chaque fois que cela est justifié.

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En conclusion, je pourrais dire qu’une entreprise est vivante, quand elle accepte de favoriser au maximum les échanges interpersonnels, de prendre soin de la qualité des mises en commun, de veiller au respect des besoins relationnels de ceux qui travaillent pour elle.

Jacques Salomé est l’auteur de

Osez travailler heureux. Albin Michel.

Pour ne plus vivre sur la planète taire. Albin Michel

Manuel de survie dans le monde du travail. Ed du Relié.

Ce poste a 2 Commentaires

  1. Bonjour

    Je souhaite en réaction au message (au roman…) de Jacques mentionner un chef d’entreprise et auteur fantastique : il s’agit du Docteur Paddi Lund, dentiste ; dans son livre Building « The Hapiness-Centred Business » (qu’on ne peut commander qu’en ligne et en anglais), il a construit un business rentable en se focalisant sur le bonheur de ses employés, il explique comment il a développé et mis en place des systèmes pour créer les conditions du bonheur, des pratiques très simples comme appeler les gens par leur prénom, dire svp et merci, regarder votre interlocuteur dans les yeux etc…

    Bonne journée

  2. Communication dit :

    Bonjour,

    Votre commentaire incite à lire un ouvrage visiblement pas accessible à tous… Mais fort intéressant!
    Peut-être pourriez-vous nous en envoyer quelques extraits pertinents, un résumé (en français)…?
    SI OK, envoyez le moi: ethicomm@gmail.com afin qu’il soit publier…

    Bien cordialement
    F. Cerruti

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